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Le Bhoutan, prochain modèle occidental ?

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La COP21 s’est achevée le 12 décembre dernier à Paris sur un accord international pour contenir l’élévation de la température moyenne de la planète au-dessous de 2°C. Ce texte historique entrera en vigueur en 2020. Mais le Bhoutan, ce petit pays d’Asie du Sud, n’a pas attendu la 21ème conférence mondiale sur le climat (COP21) pour intégrer le développement durable et la protection de la planète à ses principes. Cela fait déjà 44 ans que le pays pense et vit autrement. Dans cette contrée, l’air est le plus pur au monde, les montagnes sont boisées à l’infini et les villes très propres sans l’ombre d’un déchet à l’horizon. Le petit royaume himalayen est-il un paradigme pour l’occident ?

Le Bhoutan, un modèle basé sur le BNB

En plaçant la croissance économique au centre, le tout-libéralisme a permis de développer le niveau de vie des occidentaux. Dans le même temps, ce modèle a entraîné une production effrénée et la recherche du toujours plus à tout prix. Cependant, ce modèle met aujourd’hui en péril la protection de la planète avec l’épuisement de ses ressources mais aussi la santé des citoyens avec les pollutions et les différents scandales sanitaires que l’on connaît aujourd’hui.

De son côté, le Bhoutan, peuplé de 700 000 habitants, a su ouvrir une autre voie. Le petit pays asiatique est, en effet, bien connu pour sa recherche du bonheur. Il est le pionnier du « bonheur national brut » ou BNB, un indice qui prend en compte le bien-être de sa population. Alors qu’en occident nous nous basons sur la valeur du produit national brut (PNB) afin de mesurer la richesse du pays, le gouvernement du Bhoutan intègre un autre paramètre : le niveau de bonheur de ses habitants.

Petit pays niché entre les deux géants que sont la Chine et l’Inde, le Bhoutan a été jusqu’au 17ème siècle le lieu de conflits entre seigneurs locaux. C’est en 1616 que le pays trouve la paix avec l’arrivée d’un moine tibétain en exil qui s’installe dans le pays. Il va alors unifier le Bhoutan et instaurer un système de double gouvernance, administrative et spirituelle, le pays étant à majorité bouddhiste.

Instauré en 1972 par le roi Jigme Singye Wangchuck, le BNB repose sur plusieurs principes fondamentaux que sont la croissance et le développement économiques responsables, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l’environnement et la promotion du développement durable et la bonne gouvernance responsable.

Un pays fortement boisé

Concernant le premier point, le développement économique responsable, le gouvernement défend les paysans et l’économie locale. Il confie la protection et la gestion des forêts aux communautés rurales les plus pauvres. Le gouvernement étudie rigoureusement les progrès venant de l’étranger pour savoir s’ils peuvent être intégrés au concept de « bonheur national ». Internet n’a été autorisé dans le pays que depuis 1999. Au Bhoutan, vous ne trouverez d’ailleurs aucune publicité. Les cigarettes sont également interdites ainsi que les chaînes de fast-food. L’éducation et le système de santé sont gratuits pour tous les bhoutanais.

Encore isolé du reste du monde, de par son accès difficile et son autarcie volontaire, le Bhoutan a su sauvegarder son environnement. Le pays refuse le tourisme de masse et ne délivre qu’un nombre limité de visas chaque année. Le Bhoutan consacre également 60% de son territoire aux forêts et autres zones boisées. Le royaume himalayen a également instauré une règle chaque premier dimanche du mois, les voitures n’ont pas le droit de circuler.

La bonne gouvernance responsable passe par la modification en 2007 du système de monarchie absolue dans lequel le monarque détient tous les pouvoirs en une monarchie constitutionnelle où la constitution limite les pouvoirs. Le pays a ainsi débuté son chemin vers la démocratie.

A l’issue de la COP21, les réductions d’émissions promises par 186 Etats pourraient mener à l’émission de 55 gigatonnes de CO2 en 2030 alors qu’il faudrait réduire à 40 gigatonnes pour rester sous les 2°C. Perché au pied de l’Himalaya, à plus de 2.000 mètres d’altitude, le Bhoutan peut lui se targuer d’emprisonner davantage de carbone qu’il n’en émet. Alors que le pays dégage 1,5 million de tonnes de CO2 chaque année, ses forêts absorbent 6 millions de tonnes. Le pays est exemplaire en matière climatique. Si tous les pays suivaient son exemple, le réchauffement climatique serait contenu en dessous des 2°C.

Le Bhoutan a d’ailleurs intégré l’environnement dans sa constitution. Le pays souhaite faire un pas de plus dans l’économie verte en se fixant l’objectif de parvenir à l’agriculture 100% bio d’ici à 2020 et de produire zéro déchet à l’horizon 2030. Le pays veut supprimer les produits chimiques agricoles pour que tous ses aliments soient de nouveau biologiques. Pour fertiliser le sol, la majorité des agriculteurs utilisent déjà du compost ou des feuilles pourries. Selon la Banque mondiale, le royaume n’utilisait déjà que 15 kg d’engrais chimique par hectare en 2012 contre 137 en France.

Le Bhoutan tire parti de ses rivières pour produire une énergie hydroélectrique qui lui assure une certaine indépendance énergétique. Le pays compte cinq centrales et plusieurs projets sont en préparation. Dans sa contribution climatique remise en septembre en vue de la COP21, le royaume assure produire 100% de son électricité grâce à ses centrales. Le pays n’exploite pas l’énergie fossile ou le nucléaire. Le Bhoutan s’est également engagé à varier l’approvisionnement énergétique en utilisant davantage les énergies renouvelables : solaire, éolienne, biomasse.

Certes, même après la COP21, il faudra encore du temps aux pays occidentaux pour modifier leurs habitudes de consommation et leur mode de vie. Toutefois, des exemples comme le Bhoutan montrent qu’il est possible d’instaurer les piliers du développement durable à la constitution et se recentrer sur l’essentiel : la protection de la planète et le bien-être de l’être humain.

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