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Le commerce caché des grands singes d’Afrique

Il est de plus en plus urgent de lutter contre le commerce illégal des grands singes en Afrique sans oublier l'importance de la conservation, la sensibilisation et le renforcement des réglementations. Une action mondiale est nécessaire pour protéger nos proches parents génétiques et notre planète.

Caché derrière l’innocuité apparente du monde des animaux de compagnie se cache un commerce sinistre, celui des grands singes d’Afrique. Ce commerce illégal, en pleine croissance, a trouvé un marché florissant en Chine, au Moyen-Orient et au Pakistan. Un jeune gorille peut même atteindre le prix astronomique de 500 000 euros. « Les décideurs politiques internationaux, les organisations de conservation et les gouvernements donateurs n’ont pas conscience de l’étendue stupéfiante du commerce illégal des grands singes d’Afrique », a déploré Iris Ho, responsable des campagnes et des politiques pour la Pan African Sanctuary Alliance (PASA).

Le prix des primates a quadruplé en dix ans.

La menace grandissante du braconnage

Le braconnage pour le commerce d’animaux vivants représente une menace majeure et grandissante pour les grands singes d’Afrique, comme les chimpanzés, les bonobos et les gorilles. Les habitats naturels de ces animaux sont régulièrement détruits et la chasse pour leur viande est également un fléau récurrent. Cependant, ces problèmes semblent rester largement ignorés par bon nombre d’organisations de protection de la faune.

« Si la communauté internationale ne commence pas à prendre sérieusement la question du trafic des grands singes, celui-ci continuera de se développer et de menacer la survie de nos cousins les plus proches », prévient Daniel Stiles, auteur d’un rapport sur le commerce de la faune et la flore interrogé par le National Geographic.

Évasion silencieuse : le trafic clandestin

Ce commerce clandestin voit des milliers de grands singes d’Afrique quitter leur habitat naturel pour rejoindre des zoos privés ou devenir des animaux de compagnie en Chine, au Pakistan, en Libye ou dans les États du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis. Leur captivité dans des zoos, légitimée par une fausse apparence de centres de conservation, permet à ces établissements de faire passer des animaux passés en contrebande comme des individus élevés en captivité.

Les sanctuaires africains dédiés à ces primates, dont beaucoup sont gérés par la PASA, se trouvent de plus en plus surchargés. Le nombre croissant de jeunes grands singes pris en charge par ces sanctuaires témoigne de la hausse de la demande pour ces animaux. Malheureusement, la plupart de ces sanctuaires sont déjà au maximum de leur capacité d’accueil et tous manquent de financements.

Inaction et négligence : les obstacles à la protection

Daniel Stiles, auteur du rapport sur le commerce illégal de grands singes, pointe du doigt l’indifférence manifeste des principaux organismes internationaux chargés de la protection des primates. Parmi ces organisations, le Partenariat pour la survie des Grands Singes (GRASP), une alliance des Nations Unies, figure en tête. Malgré l’illégalité du commerce étant inscrite dans ses priorités, Doug Cress, ancien directeur du GRASP, admet que l’entité est au point mort, l’inaction des agences de l’ONU l’ayant poussé à démissionner en 2016. Il déclare avec amertume : « J’en avais assez de me battre avec la bureaucratie. »

L’accessibilité aux informations pertinentes constitue également un obstacle majeur à la lutte contre ce commerce. Le GRASP a lancé en 2016 une base de données relative à la saisie de grands singes, un outil censé faciliter l’appréhension du problème. Pourtant, l’accès à cette base de données semble très limité. Selon Stiles, après avoir fait une demande d’accès en août 2022, il n’a reçu qu’un rapport inutilisable, dépourvu d’informations précises sur les lieux ou dates des saisies. Johannes Refisch, actuel directeur du GRASP, a refusé de donner à National Geographic un accès à la base de données.

Vers une réponse mondiale 

« Les acteurs internationaux, les groupes de conservation et les gouvernements bailleurs de fonds n’ont pas pleinement pris conscience de la portée alarmante du trafic illégal de grands singes africains », a affirmé Iris Ho de l’Alliance des Sanctuaires Pan Africains, mettant en lumière l’importance de la problématique. Il est de plus en plus clair que lutter contre le commerce clandestin de primates est une lutte contre la montre nécessitant une démarche résolument internationale.  L’effort à l’échelle mondiale doit être à la hauteur des enjeux. Il ne s’agit pas seulement de mettre un terme à ce commerce, mais aussi de travailler à la réhabilitation des habitats naturels des grands singes et d’assurer un soutien durable aux sanctuaires qui accueillent les animaux victimes de cette activité illégale. Les organismes de protection de la faune doivent se consacrer pleinement à cette cause, appuyés par des politiques publiques robustes et une réelle détermination de la part de la communauté internationale.  

Cela passe également par une sensibilisation accrue. La plupart des acquéreurs, en effet, ne mesurent pas toujours l’ampleur du préjudice causé par ce commerce. Ils ne voient que l’animal de compagnie ou le spécimen de zoo, sans prendre conscience que chaque singe vendu équivaut à des dizaines d’autres qui sont morts pendant la capture ou le transport. Il est crucial d’atteindre ces individus et de les encourager à ne pas prendre part à ce commerce.  De plus, il est essentiel de renforcer les réglementations et leur mise en œuvre. Des organisations internationales comme la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) doivent collaborer avec les gouvernements locaux pour assurer le respect des lois. 

Les pays où ce commerce clandestin se déroule doivent être motivés et soutenus dans leurs démarches pour mettre fin à cette pratique.  Comme le précise Daniel Stiles, « Si la communauté internationale ne se mobilise pas sérieusement pour traiter le problème du trafic des grands singes, ce commerce va continuer à s’étendre et à mettre en péril la survie de nos proches parents génétiques ». L’heure est critique, et le moment d’agir est arrivé.

Stéphanie Monet

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010, j'ai créé deux sites Mon Totem, accès sur du contenu positif orienté sur l'écologie, et Penser Demain, rassemblant des sujets sur le monde que nous souhaitons créer demain.

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